En écho au thème des Forums 2023 "Vers une Eglise en archipel ?" a été rassemblée une sélection de livres anciens sur "les différentes sensibilités dans l'Eglise au temps d'Ignace de Loyola (1491-1556)".
Ces livres témoignent de la richesse de la collection de la bibliothèque des Facultés Loyola Paris : un grand nombre des ouvrages présentés datent du 16ème et ont été publiés du vivant d'Ignace. Ils rappellent aussi que cette période était complexe pour l'Eglise, avec des papes sources de scandales comme les Borgia. Cette époque se révèle néanmoins riche : des idées, des textes, des commentaires se propagent à la faveur de l'imprimerie et participent à l'émergence de nouvelles congrégations religieuses, toujours vivantes aujourd'hui.
Une Eglise troublée (1491-1556)
L'époque d'Ignace correspond à celle des papes Borgia et le moment où les princes italiens s'approprient Rome. Le népotisme y est roi : Alexandre VI est le neveu de Calixte III, Pie III celui de Pie II, Jules II celui de Sixte IV… Alexandre VI, né Rodrigue Borgia, aura au moins six enfants dont César Borgia. Machiavel s'inspirera de ce dernier pour écrire Le Prince entre 1513 et 1516 qui sera publié en 1532.
Titre : Le Prince de Machiavel (1469-1527), édité en 1686
Les contestations contre le papauté sont brutalement réprimées : à Florence, en 1493, le moine dominicain Savonarole, qui dénonce avec violence les vices des papes Borgia, est brûlé et pendu à Florence en 1498. Mais ses idées continuent d'être diffusées via des ouvrages.
Titre : Prediche nuovamente venute in luce del reverendo Padre Fra Girolamo Savonarola da Ferrara, dell’ordine de Frati predicatori / Des prêches nouvellement mis en lumière du révérend père Jérôme Savonarole de Ferrare de l’ordre des prêcheurs dominicains
de Jérôme Savonarole (O.p ; 1452-1498), édité en 1528
Le pape Adrien VI, élu en 1522, s’engage à réformer Rome mais la durée de son pontificat (un an) ne lui en laisse pas le temps.
Titre : [Hadriani Florentii de Trajecto Quaestiones quodlibetica XII, argutissimae juxta atque doctissimae...] / [12 Questions théologiques de Hadriani Florentius, très précises autant que très savantes...]
de Adrien VI, Pape (1459-1523), édité en 1527
En 1521, le roi d'Angleterre, Henri VIII, prend parti officiellement contre les thèses de Luther. Mais à la suite du refus d’annulation de son mariage par le pape Clément VII en 1527, il rompt avec la papauté et se déclare chef suprême de l’Eglise d’Angleterre en 1531. Cette séparation donnera naissance à l'anglicanisme.
Titre : Assertio septem Sacramentorum Adversus Mart. Lutherum, Henrico VIII. Angliae Rege auctore. Cui sub nexa est Ejusdem Regis epistola, Assertionis ipsius contra eundem defensoria /
Affirmation des sept sacrements contre Mart. Luther, par Henri VIII. le roi d'Angleterre. À laquelle est annexée la lettre du même roi, de sa défense contre le même.
de Henri VIII, Roi d'Angleterre (1491-1547), édité en 1562
Réclamé par les réformateurs pendant trente ans, le Concile de Trente s'ouvre péniblement en 1545. Il s'achèvera 18 ans plus tard en 1563 et opère plusieurs réformes : en réponse aux théories protestantes, le concile fait de la Tradition un élément de la Révélation, confirme la doctrine du péché originel, précise celle de la justification, soumet les éditions de la Bible autres que la Vulgate à la censure et confirme les sept sacrements, le culte des saints et des reliques ainsi que le dogme de la transsubstantiation. Sur le plan disciplinaire, il crée les séminaires diocésains, destinés à former les prêtres. Ce Concile arrive tardivement et la séparation est déjà consommée avec les églises protestantes.
Titre : Concilium Tridentinum, hoc est, Canones et Decreta... /
Le Concile de Trente, c'est-à-dire les Canons et les Décrets...
par Reginald Pole cardinal du Concile, édité en 1567
A la demande de l'Inquisition, le premier Index des livres interdits, "livres pernicieux que les catholiques ne sont pas autorisés à lire", est publié pendant le Concile de Trente en 1559 et confirmé en 1564.
Titre : Index librorum prohibitorum cum regulis confectis Per Patres à Tridentina Synodo delectos. Auctoritate Pii IIII. primum editus, Postea vero à Syxto V. Auctus et nunc demum S.D.N. Clementis... /
Une liste de livres interdits avec des règles faites par les Pères sélectionnés par le Synode de Trente. D'abord publiée sous l'autorité de Pie IV., augmentée par Sixte V. et sous l’autorité de Clément VIII…, édité en 1597
Une propagation des idées à la faveur de l'imprimerie
Cette période tourmentée est également une période intellectuellement riche. La Bible est imprimée et traduite en plusieurs langues : après la première édition de la Bible en latin par Gutenberg en 1455, une traduction en langue française par Jean de Rely est publiée en 1487. Des versions polyglottes de la Bible voient le jour, pour « faire revivre l’étude languissante des Saintes Ecritures » auprès des étudiants. Ainsi la première Bible en hébreu, grec et latin fut publiée en 1520 sous la responsabilité du cardinal Ximenes à Alcala en Espagne (où étudia Ignace en 1526).
Titre : Octavus tomus commentarios in Psalterium habet. Accessit his Psalterium triplici lingua, Hebraica, Graeca & latina /
Ce huitième volume contient des commentaires sur le Livre des Psaumes. Ce Livre des Psaumes est accessible en trois langues, hébreu, grec et latin, édité en 1530
Dès le 15è siècle, des ouvrages comme La légende dorée connaissent un succès considérable. Rédigée en latin entre 1261 et 1266 par Jacques de Voragine, dominicain et archevêque de Gênes, La légende dorée raconte la vie d'environ 150 saints et, suivant les dates de l'année liturgique, certains événements de la vie du Christ et de la Vierge Marie. La Légende dorée est le premier ouvrage imprimé en langue française, en 1476, à Lyon. Il devient, avec la Bible et le psautier, une des œuvres les plus lues, les plus copiées.
Cet ouvrage marque Ignace : âgé de 30 ans, Ignace est blessé par un boulet de canon. Pendant sa convalescence, il lit, entre autres, la Légende dorée de Jacques de Voragine et entreprend un chemin de conversion.
Titre : Legende sanctorum / La légende des saints ou La légende dorée
de Jacques de Voragine (Bienheureux ; 1228?-1298), édité en 1516
A cette époque, les Evangiles font l'objet de commentaires par des savants humanistes.
Erasme (né à Rotterdam en 1466 et mort à Bâle en 1536), philosophe, humaniste et théologien, prépare un doctorat de théologie à la Sorbonne de 1495 à 1499. Il publie ses Adages en 1500 et l'Eloge de la Folie en 1511. En 1522, il s'adresse au pape Adrien VI, son compatriote, proche, semble-t-il, de ses idées.
Titre : Jo. Frobenius pio lectori S. D. En optime lector, rarum damus thesaurum et nihil non novum : D. Erasmi Roterodami praefationem ad nuper electum pontificem Romanum Adrianum hujus nominis Sextum... /
Jo. Frobenius au pieux lecteur S. D. En votre qualité d'excellent lecteur, nous vous donnons un trésor rare et extrêmement inédit. : la préface de M. Erasme de Rotterdam au pontife romain récemment élu du nom d'Adrien VI…, édité en 1522
Un autre commentateur des Evangiles est Lefèvre d'Etaples (vers1450-1536), théologien et humaniste, professeur de philosophie au collège Cardinal Lemoine de 1495 à 1507. Bien que proche de certaines idées de la Reforme, il reste catholique. Il prêche pour un renouveau dans les études ecclésiastiques. Sa traduction et son commentaire sur le Nouveau Testament de 1523 s'appuient sur la Vulgate latine. Mais il y ajoute une soixante de corrections d'après les originaux grecs et recommande à tous les fidèles la lecture de l'Ecriture sainte en langue vulgaire. Il suscite ainsi l'irritation des docteurs de Paris et doit s'enfuir quelques temps à Strasbourg.
Titre : Commentarii initiatorii in quatuor Evangelia. In Evangelium secundum Matthaeum. In Evangelium secundum Marcum. In Evangelium secundum Lucam. In Evangelium secundum Joannem... /
Commentaires initiatiques sur les quatre Evangiles. Sur l'Evangile selon Matthieu, sur l'Evangile selon Marc, sur l'Evangile selon Luc, sur l'Evangile selon Jean…
de Jacques Lefèvre d'Etaples (vers1450-1536), édité en 1522
Des livres sur les sciences occultes circulent librement : Henri-Corneille Agrippa (1486-1535), astrologue, théologien, alchimiste, philosophe, occultiste, est représentatif d'un courant ésotérique et d'une conception naturelle de la magie. Son livre De occulta philosophia, dont la première version est publiée en 1510, affirme la valeur magique de l'hébreu biblique considéré comme la langue du paradis terrestre. Par le réarrangement des mots, il est possible d'influencer les réalités de l'univers...
Titre : Henrici Cornelii Agrippae ab Nettesheym,... De Occulta Philosophia libri tres /
Henry Cornelius Agrippa ab Nettesheym,... Trois livres sur la philosophie occulte
de Agrippa, Henri Corneille (1486-1535), édité en 1533
Les débuts de la Réforme voient le jour : en 1517, le moine Luther (1483-1546) affiche ses 95 thèses pour une réforme de l'Eglise. En 1520, il publie une série de documents adressés à l'aristocratie allemande, aux théologiens puis au pape. Sa théologie est souvent résumée par les cinq solas : sola scriptura (« Par l'Écriture seulement »), sola fide (« Par la foi seulement »), sola gratia (« Par la grâce seulement »), solus Christus (« Christ seulement »), soli Deo gloria (« À Dieu seul la gloire »). Luther est mis au ban de l'empire catholique romain en 1520.
Titre : Martini Luthers... manchlerley Büchlin und Tractetlin /
Martini Luthers... quelques livres et tracts.
de Luther, Martin (1483-1546), édité en 1520
La Réforme se diffuse en France : après des études de droit, le théologien français Calvin (1509-1564) rompt avec l'Eglise catholique romaine vers 1530. Il devient une figure protestante de premier plan après la publication en 1536 de L'institution de la religion chrétienne, dans laquelle est développée l'idée de prédestination. Il remanie plusieurs fois cet ouvrage majeur jusqu'en 1559. Une épître de Calvin adressée au roi François Ier précède l'ouvrage.
Titre : Institutio christianae religionis / Institution de la religion chrétienne
de Calvin, Jean (1509-1564), édité en 1553
L'émergence de congrégations religieuses qui porteront des fruits
La profusion d'idées de ce début du 16è siècle donne naissance à plusieurs ordres. En 1514-16 en vue de réformer l'Eglise de l'intérieur, des catholiques créent une confrérie, l'Oratoire de l'amour divin, qui rassemble prêtres, laïcs et évêques au service des pauvres et des malades. L'Oratoire permet l'émergence de congrégations religieuses tels les théatins fondés à Rome en 1524 par saint Gaétan de Thiène (1480 -1547) et Pietro Carafa, évêque de Chieti (Theate en latin), futur pape Paul IV. Ils fondent un ordre assez strict, impliquant les vœux de pauvreté, chasteté et obéissance, se voulant exemplaire pour tout le clergé. Les membres en sont sélectionnés soigneusement pour leurs qualités intellectuelles.
L'ordre, toujours actif, compte en 2014 34 maisons avec 170 membres dont 139 prêtres.
Titre : Vies de S. Gaëtan de Thienne, instituteur de la congrégation des clercs réguliers dits Théatins ; du Bienheureux Jean Marinon, de Saint André Avellin et du B. Cardinal Paul Burali d'Arezzo,...
de Destutt de Tracy, Bernard (1720-1786), édité en 1774
Dans le même mouvement que celui des théatins, est créé en 1530 la congrégation des Barnabites, appelés ainsi parce que le centre de leurs activités se tenait dans le cloître de l'église Saint-Barnabé de Milan. Leur vocation initiale est de « relever le niveau de la vie chrétienne et de subvenir par tous les moyens aux besoins des âmes abandonnées ». Saint Alexandre Sauli (1534-1593), né la même année que la création de cet ordre, en devient le supérieur général à 32 ans puis évêque d'Aléria en Corse.
L'ordre compte aujourd'hui 64 maisons et environ 350 membres dont 291 prêtres.
Titre : Vie du bienheureux Alexandre Sauli, Barnabite, évêque d'Algérie et de Pavie, apôtre de la Corse
de Gerdil, Giacinto Sigismondo (B ; 1718-1802), édité en 1861
Issus d'une réforme des Franciscains, les frères mineurs Capucins sont établis en 1525 par Matthieu de Baschi, frère franciscain de Montefiorentino, qui réunit autour de lui quelques frères voulant revenir à une pauvreté réelle, à la fraternité avec les pauvres de leurs temps et de longs temps d'oraison mentale. Matthieu de Baschi ne veut plus porter l'habit de son Ordre, ayant eu la vision de saint François portant un habit avec un capuchon pointu. Il demande au pape par l'intermédiaire de la princesse de Camerino (nièce du pape) une dispense orale pour porter cet habit et prêcher d'une manière itinérante.
Titre : Bienheureuse Varani, princesse de Camerino et religieuse franciscaine, 1458-1527
de Rambuteau, Mathilde Lombard de Buffières (18..-19.. ; comtesse de), édité en 1906
En 1535, Angèle Merici crée l’ordre de Sainte Ursule voué à l'éducation des jeunes filles ainsi qu'aux soins des malades et des nécessiteux. Les nombreuses maisons d'accueil se voient appelées couvents des « Ursulines ».
De nos jours, 43 familles religieuses reconnaissent Angèle Mérici pour fondatrice.
Titre : Histoire de sainte Angèle, fondatrice de l'ordre de Ste-Ursule, suivie de Notices historiques et biographiques sur les communautés d'Ursulines du Nord de la France et de la Belgique, par l'abbé...
de Parenty, François-Joseph (1799-1875), édité en 1842
L'année 1534 voit la création de la Compagnie de Jésus : Ignace, Pierre Favre, François Xavier, Jérôme Nadal et trois autres compagnons prononcent des vœux de pauvreté et de chasteté à Montmartre à Paris. En 1540, le pape Paul III approuve la Compagnie de Jésus comme un nouvel ordre religieux. En 1558 sont publiées les premières Constitutions de la Société de Jésus. Jérôme Nadal, à la demande de la Congrégation, effectue des corrections manuscrites sur ce texte en latin, corrections qui ont été prises en compte. Les Constitutions jésuites précisent les missions de l'ordre : missions étrangères à la discrétion du pape, éducation des jeunes, aide aux malades et prisonniers,…
Titre : Constitutiones Societatis Jesu / Constitutions de la Société de Jésus
d'Ignace de Loyola (Saint ; 1491-1556), annotées par Jérôme Nadal (1507-1580), édité en 1559
Enfin, peu de temps après advient la réforme des Carmes (Carmes déchaux) : Thérèse d'Avila (1515-1582), mystique espagnole, réforme le carmel en 1562. L'idée de départ de la réforme thérésienne est de revenir aussi près que possible de la règle initiale des ermites du mont Carmel. Son dessein est "de vivre en ce monastère dans une très étroite clôture, dans une stricte pauvreté, et d’employer beaucoup de temps à l’oraison". Faisant vœu de pauvreté, les carmélites ne portent pas de chaussures (uniquement des sandales et des gros bas) d'où le nom de « déchaussés ». L'autobiographie de Thérèse, La vie de la mère Thérèse de Jésus, est rédigée entre 1562 et 1565, publiée en 1588 en espagnol et traduite en français en 1601.
Titre : La Vie de la Mère Térèse de Jésus,... nouvellement traduicte d'espagnol en françoys par I. D. B. P. [Jean de Bretigny, prêtre] et L. P. C. D. B. [Les Pères chartreux de Bourgfontaine.]
de Thérèse d'Avila (sainte ; 1515-1582), édité en 1601
Autre ouvrage majeur de Thérèse, Le traité du château intérieur ou les Demeures de l'âme est rédigé en 1577. Thérèse y compare le cheminement spirituel à un château contenant sept demeures et décrit, de bout en bout, le chemin de l'âme grâce à l'oraison. L'ouvrage a été traduit en français en 1601.
Titre : Traicté du chasteau, ou Demeures de l'âme, composé par la Mère Térèse de Jésus,... [suivi des Exclamations, ou Méditations de l'âme à son Dieu] nouvellement traduicte [sic"] d'espagnol en..."
de Thérèse d'Avila (sainte ; 1515-1582), édité en 1601